Goritz 1810- Toulouse 29 mars 1850
La formation de Salamon n’est pas connue. La première mention du sculpteur se trouve dans un compte-rendu de l’exposition des beaux-arts de Toulouse en 1835. Il présenta un groupe, Adam et Eve qui fut vivement critiqué. Le buste d’Adam fut jugé incorrect, les cheveux d’Eve paraissaient tristes, son corps manquait de modelé. Par contre sa tête de jeune française suscitait un regard bienveillant et lui valut une médaille de bronze.
Le petit cloître des Augustins
Dès cette année, Salamon collabora avec Auguste Virebent sous la direction d’Alexandre Dumège à la restauration du petit cloître du Musée des Augustins. Les reliefs anciens qui ornaient les murs au-dessus des arcades, et les statues nichées ayant disparu, ils furent remplacés par des moulages de deux bas reliefs sculptés par Nicolas Bachelier pour l’hôtel du Vieux Raisin, et de quatre bas reliefs du tombeau de Biron. Quatre statues inspirées de La Mise au tombeau de Biron y trouvèrent place aux quatre angles.
L’artiste aurait pu douter de son travail après les commentaires essuyés en 1835. Ainsi que le souligna cruellement et outrancièrement le rapporteur de l’exposition, Louis Becane, le 17 juillet 1840, l’artiste gagnait sa vie en réalisant « des ornements en bois, des arabesques pour chaises et fauteuils », dans un petit atelier « d’une rue peu opulente ». Mais Becane eut aussi le plaisir de noter que l’artiste n’avait pas baissé les bras, et présentait à l’exposition de 1840 deux groupes dont il fit grand éloge : une Piéta, en frêne et un Génie funèbre, en plâtre.
La piéta
La Mater Dolorosa, fut dupliquée en terre cuite par la manufacture, dont elle fut un des fleurons. Elle orne désormais de nombreuses églises : citons la belle version blanche et or se détachant sur un fond bleu de l’église Saint-Paul à Auterive, une version pour l’église de Verdelais, une autre trop polychromée qui couronne la composition complexe de la chapelle de la Bonne mort dans l’église de Mouillac mais aussi plus modestement celles de Saint-Julia dans une niche néogothique, ou celle de Lapeyrouse-Fossat. En 1863 elle couronne l’entrée de la chapelle Notre-Dame d’Alet à Montaigut-sur-Save.
Très expressive, cette vierge de douleur soutient d’une main le corps abandonné du Christ qui semble glisser de ses genoux, offert au spectateur. Car l’autre main de la vierge, levée vers les cieux semble à tout le moins prendre Dieu à témoin du destin accompli. La Vierge pleure, mais Salamon ne la montre pas résignée ou accablée, les épaules courbées. Tête et buste sont au contraire dressés, tournés vers Dieu, dans l’interrogation, le doute. La piéta figure au catalogue de 1890 sous le numéro 1450 au prix de 400fr (hauteur des figures 1m, 80).
La galerie des hommes illustres du Midi
L’artiste présentait aussi trois bustes (un Homme inconnu, Marcassus de Puymaurin, directeur de la monnaie des médailles et le chevalier de Villeneuve) destinés à embellir la galerie du musée, qui ne donnèrent lieu à aucun commentaire. Pourtant il s’agissait probablement des premiers éléments des gloires du midi qu’Alexandre Dumège imagina afin d’honorer dans une pinacothèque les héros d’une histoire toulousaine. Ils furent présentés, ainsi que sept autres dans la galerie orientale du petit cloitre. Cette galerie prenait la suite de la salle des illustres du capitole dont les bustes avaient été voulu par l’historien Germain Lafaille en 1673-1677 et sculptés par Marc Arcis. Elle faisait suite aussi, à la découverte par Dumège, en 1826, des bustes des empereurs romains de la villa Chiragan à Martre-Tolosane.
Revenons à l’exposition de 1840 : Salamon y obtint une médaille d’or. Cette année là il fût nommé par un arrêté municipal professeur de sculpture suppléant à l’Ecole des Beaux-arts.
La chaire de la cathédrale Saint-Etienne
Parallèlement (juillet 1840) Auguste Virebent concourait victorieusement pour le projet de chaire de la cathédrale Saint-Etienne à Toulouse. Le projet, amalgame de moulages de sculptures de diverses époques et provenances est opportunément couronné du martyr de Saint-Etienne enlevé par des anges sculpté par Salamon. Rappelons que Saint-Etienne, premier diacre et martyr à Jérusalem, fut arrêté et lapidé en raison de ses prêches sans concessions ! Virebent et Salamon placent donc la barre très haut ! L’ensemble était terminé en 1842.
L’assomption de la Vierge
En 1843, Salamon est suffisamment reconnu pour accepter dans son atelier un élève, le jeune Martial Clerc, qui vient d’entrer à l’Ecole des Beaux-Arts. Cette année là, il donna aussi une Assomption de la vierge pour la chapelle d’axe du chœur de Notre- Dame-du-Bourg à Rabastens. Ici aussi, il s’agit d’un modèle qui fit fortune. On le retrouve polychromé à Lapeyrouse-Fossat et à Paulhac. Il figure dans le catalogue de 1890 page 114, au prix de 400fr, hauteur 2m. La vierge y est présentée seule. L’ange gracieux qui l’accompagne, de même que l’angelot qui la soutient et les nuées sous ses pieds ne figurent pas au catalogue, même isolés.
Parallèlement le travail pour la galerie des illustres se poursuivait jusqu’en 1844, par la réalisation des bustes de Raymond IV (1844), et 5 autres datés de 1838-1844 : Odon de Pins, Bernard VII, Gérard de Pins, Guillaume de Lordat, et Jean Foucaud (1838-1850).
En 1845, il exposa la statue en stuc de Jean-Etienne Duranti, qui malgré quelques critiques, lui valut une nouvelle médaille d’or (Salle des pas perdus de la cour d’appel, au palais de justice). Pour les Virebent, il exposa cette année là « un ange, fragment appartenant à un groupe, deux vierges et un ange, style Moyen Age, pour niche gothique ».
L’exposition de 1850
Le samedi 23 mars 1850, lors d’un « accès de fièvre chaude » l’artiste se taillada les bras. Transporté à l’hospice La Grave, il y décéda le vendredi suivant (29 mars 1850) et fut inhumé le lundi matin à 7heures30 à Terre Cabade. Une souscription fut lancée par plusieurs de ses amis afin de lui ériger un petit monument funéraire. Parmi les donataires on notait d’anciens condisciples de l’école des beaux-arts, d’anciens clients Pin-Montbrun, Puymaurin, le conseiller municipal Auguste d’Aldéguier, des peintres Willemse, ou Engalières (proche des Virebent), et son ami Charles Lassus qui prononça l’éloge funèbre.
Le conseil municipal décida peu après (12 avril) d’offrir la parcelle de terrain nécessaire pour son tombeau, et Auguste Virebent compléta la souscription en offrant un exemplaire en terre cuite blanche du Génie funèbre que Salamon avait réalisé en 1840, et qui figurait désormais au catalogue de la manufacture.
Lorsqu’il attenta à ses jours, le sculpteur travaillait à un groupe La charité chrétienne qui devait figurer à l’exposition des beaux-arts de cette année là. Il fut présenté en septembre et obtint la médaille d’or en même temps que Griffoul-Dorval. Le groupe inachevé était probablement en marbre. On manque hélas de commentaires pour reconnaitre l’œuvre. Fut-elle reprise ans le catalogue de la manufacture ? ou n’était-elle pas suffisamment avancée pour faire l’objet d’un tirage ? Ou s’agit-il de La religieuse de Saint-Vincent de Paul assistant un malade datée aussi de 1850 ?
En 1850, on exposa pour la fabrique Virebent une statue du Printemps, celle qui faisait partie de la série des quatre saisons précédemment réalisée. En effet le printemps de cette série remporta un grand succès. On peut le voir place Mage ou dans une niche de la cage d’escalier de l’hôtel Miègeville (version cirée de 1835). Accompagné de l’Eté on l’admirait depuis 1847 sur la façade de l’hôtel de la rue Lafayette puis au château de Seyre (1855).
Jules Carles indique qu’à sa mort l’artiste laissait nombre d’œuvres inachevées.
A la manufacture il fut remplacé d’abord par le sculpteur parisien Pommateau. Puis par Martial Clerc, l’ancien élève de Salamon.
Une collaboration non exclusive
Salamon livra donc pour la manufacture des statues comme celles du jubé de Condom, et des groupes qui furent de grands succès commerciaux. Mais il faut souligner que sa collaboration avec la manufacture Virebent ne fut pas exclusive.
En 1839, Salamon sculpta les hauts reliefs des femmes assises sur les rampants d’un fronton triangulaire au 63, de la rue de la Pomme pour l’immeuble Sicard.
L’année suivante (1841) il livra les figures en stuc du monument en l’honneur des chevaliers de l’ordre de Saint-Jean de Malte, Odon et Roger de Pins, pour l’église de la Dalbade, dans la continuité du projet de Dumège d’honorer les familles toulousaines illustres. Il s’agissait d’encadrer l’épitaphe rédigée par le marquis de Castellane en l’honneur des chevaliers de Saint-Jean dont les ossements furent transférés le 21 juin 1841 en l’église de la Dalbade.
Salamon continua aussi à travailler le bois. Maurice Prin a relevé qu’il sculpta les figures du roi David et de Sainte-Cécile, disposée sur les tourelles du grand orgue de la basilique Saint-Sernin en 1845, et toujours la même année, diverses statuettes sur celui de l’église Saint-Nicolas.
Le curé de la basilique Saint-Sernin ayant proposé au conseil de fabrique en juillet 1848, de restaurer la chapelle Sainte-Suzanne pour la dédier à l’Immaculée conception, Salamon proposa en Janvier 1849 un projet de réhabilitation, dont Maurice Prin à retrouvé un dessin sensible, mais que l’on souhaiterait plus lisible ! On manque d’information pour savoir si Salamon eut le temps de terminer cette restauration. Enfin un buste de femme en plâtre patiné conservé au musée du Vieux Toulouse date de la même année.
Références bibliographiques :
Maurice Prin, Le tombeau du sculpteur Antoine-Joseph Salamon, Auta, n° 19, 15 janvier 2001.
Maurice Prin, La chapelle Sainte-Suzanne, in Saint-Sernin, trésors et métamorphoses, Catalogue de l’exposition, page
Guy Ahlsell de Toulza, La chapelle d’axe du chœur de Notre-Dame du Bourg de Rabastens et son retable d’albâtre du XVe siècle, MSAMF, T LII, page 151.